Soziologisches Institut der Universität Zürich

Lehrstuhl Prof. Dr. Geser

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Wandel der Arbeitswelt
Ergebnisse eines neuen schweizerischen Forschungsprojekts

   

Employés: exigence de compétences transdisciplinaires

Jürg Meierhans

Dans toutes les branches explorées, les employés doivent présenter un profil d’exigences étendu et de haut niveau; désormais, le savoir professionnel ne suffit, à lui seul, plus. Le poids des compétences professionnelles est inférieur à celui accordé aux exigences transdisciplinaires, ce dans toutes les branches de l’industrie et des services. Ce dernier secteur affiche à cet égard des exigences légèrement supérieures à celles de l’industrie en général ou de l’industrie du bâtiment.

Depuis la fin des années ‘80, on a pu observer des changements lourds de conséquences dans l’activité économique. Globalisation, informatisation, dynamique d’innovation en sont les mots-clés. La flexibilisation qui y va de pair et la décentralisation de l’organisation du travail ont modifié les exigences des entreprises envers leurs employés. Ceci a conduit, entre autre, à modifier un profil de qualification jusqu’ici caractérisé principalement par les tâches professionnelles au sens étroit du terme, en y intégrant des éléments d’activités transdisciplinaires. Comment ce développement se traduit-il en Suisse? Quels profils d’exigences les entreprises suisses requièrent-elles pour leurs employés? Nous avons effectué un état de la situation en opérant une comparaison entre les divers secteurs ou branches de l’industrie et des services.

2.1 Comparaison sectorielle: les plus hautes exigences dans le secteur des services

Figure 2.1: Valeur moyenne des exigences dans les secteurs des services, de l’industrie en général et de l’industrie du bâtiment (valeur 1 "pas du tout important" et valeur 5 "absolument nécessaire")

En comparant trois secteurs, l’industrie en général, l’industrie du bâtiment et les services, on peut constater certaines similitudes dans le fait qu’on accorde partout beaucoup plus d’importance à des exigences généralisables de type transdisciplinaires - comme les compétences sociales, méthodologiques, personnelles et le comportement à sa place de travail - qu’à celles purement axées sur le savoir professionnel. Dans l’évaluation, par les entreprises interrogées, de l’importance du savoir formel diffusé au sein de l’institution, on peut remarquer que ce dernier est indéniablement moindre que le savoir relatif à la personnalité qui est acquis en dehors de l’institution et souvent au cours de longs processus de socialisation.

On peut aussi observer certaines différences dans les profils comme le fait que, dans le secteur des services, on évalue en général les exigences de façon légèrement supérieure à ce que le font les deux autres secteurs, avec toutefois une exception. C’est dans l’industrie du bâtiment qu’on accorde le plus de poids au comportement à la place de travail, à savoir à, entre autre, la "ponctualité ", la "loyauté ", etc. Ces compétences font partie de certaines de ces exigences traditionnelles qui revêtent encore une importance certaine, en particulier dans le secteur de l’artisanat, mais aussi dans ceux des services et de l’industrie. On peut constater une discrépance entre cette situation et la discussion actuelle sur les qualifications, qui est principalement orientée sur les contenus transdisciplinaires de type sociaux. Il semble que les exigences traditionnelles sont tout simplement implicitement supposées et, qu’en cela, il n’apparaît plus vraiment nécessaire de les mentionner. Or elles garantissent justement une certaine continuité importante en ces périodes de mutations rapides.

2.2 Profils d’exigences dans le secteur des services

Figure 2.2: Valeur moyenne des exigences dans chacune des trois branches (valeur 1 "pas du tout important" et valeur 5 "absolument nécessaire")

A une exception près, celle de la branche recherche et développement informatique, toutes les branches du secteur des services considèrent, dans leur classement, que les compétences professionnelles au sens strict sont dans l’ensemble moins importantes que les compétences transdisciplinaires. Mais il faut se garder d’en conclure que ces premières ne soient pas importantes. En poussant l’analyse dans le détail, on peut constater que les compétences professionnelles clés (au sens étroit) dont il est question ici - par exemple certaines connaissances professionnelles spéciales ou des connaissances en informatique -, sont considérées comme aussi importantes que les compétences transdisciplinaires. Les entreprises interrogées accordent donc de la valeur aux compétences professionnelles et ne se disent pas intéressées à ce que leurs employés aient à leur actif une palette de compétences plus large, qui comprendrait aussi les langues étrangères, la formation générale, etc.

Dans la discussion actuelle sur les qualifications, on attribue une importance centrale aux compétences sociales. Notre évaluation montre que les branches du secteur des services leur accordent indéniablement une grande importance. Mais ce qui est intéressant, c’est que, les branches dans lesquelles il y a des contacts directs avec les clients - les commerces de détail, l’hôtellerie, les services de prestations à des personnes - qui ont toujours exigé de hautes compétences sociales, ont aujourd’hui à cet égard des exigences encore supérieures. Les changements intervenus dans l’organisation du travail ont sur ce plan sûrement eu pour effet une harmonisation des autres branches.

Les compétences méthodiques et personnelles ont beaucoup de poids, en particulier dans les branches dans lesquelles la répartition des tâches est ouverte et complexe, par exemple dans la recherche et le développement en informatique, ou dans les services de prestations pour les entreprises. Etonnamment, ce qu’on appelle communément la créativité, qui fait partie des compétences personnelles, est comparativement aux autres exigences, classée comme moins importante et figure en queue de peloton dans toutes les branches.

Dans l’ensemble, on peut voir que, dans le secteur des services, les compétences transdisciplinaires sont très importantes, puisqu’elles ont été désignées dans toutes les branches comme "importantes" à "très importantes". Il n’existe pas de profil d’exigences professionnelles au sens étroit du terme. Mais d’un autre côté, on ne peut pas non plus parler d’une homogénéisation générale de ces exigences professionnelles, puisque qu’on peut relever des différences significatives entre les branches de ce secteur.

2.3 Profils d’exigences dans l’industrie

Les résultats concernant les compétences professionnelles dans les branches de l’industrie sont comparables à ceux du secteur des services. En les comparant aux autres compétences nécessaires, elles ont aussi ici le moins de poids. L’analyse des différences montre également que toutes les branches accordent beaucoup de poids aux compétences-clé spécifiquement professionnelles, qui revêtent une grande importance et se situent à un niveau comparable aux exigences transdisciplinaires.

Figure 2.3: Valeur moyenne des exigences dans les différentes branches (valeur 1 "pas du tout important" et valeur 5 "absolument nécessaire")

Figure 2.4: Valeur moyenne des exigences dans les différentes branches (valeur 1 "pas du tout important" et valeur 5 "absolument nécessaire")

Les changements intervenus dans l’organisation du travail, où l’on est passé d’une segmentation par métiers à des équipes en processus, modifient les exigences relatives aux compétences méthodiques, sociales et personnelles. Les branches de l’industrie aussi font montre, sur ce plan, de grandes exigences envers leurs employés; et ces exigences s’avèrent en fait très semblables pour les différentes branches, ce contrairement à la situation dans le secteur des services. A titre d’exemple, on ne peut relever de différences significatives entre les différentes branches de l’industrie concernant les compétences sociales. A l’époque des changements organisationnels et technologiques, figure, dans toutes les branches, au premier rang des compétences méthodiques, celle de "flexibilité". Comme le montre l’évaluation des compétences personnelles, en même temps, toutes les branches veulent en premier lieu avoir des collaborateurs à même de travailler de façon autonome.

On peut voir aussi que, dans l’industrie, les exigences relatives aux compétences transdisciplinaires ont été évaluées comme ayant une valeur "importante" à "très importante". Contrairement à la situation dans le secteur des services, les différences entre branches sont moins significatives. Dans ce sens, il n’existe que peu de différences dans les profils d’exigences spécifiques aux différentes branches du domaine. Les différences apparaissent principalement dans les compétences professionnelles au sens strict.

2.4 Performances antérieures: décisives pour l’obtention d’un poste

Pour répondre le plus vraisemblablement au profil des exigences souhaitées et avoir toutes ses chances lors d’une postulation pour un emploi, il faut être âgé de moins de 45 ans, avoir acquis une large expérience dans le domaine professionnel, n’avoir pas trop fréquemment changé d’emploi, témoigner de dispositions à la mobilité et jouir d’une bonne réputation (pas d’antécédents judiciaires). L’analyse des réponses à la question des principaux obstacles à l’embauche permet de constater une similitude entre les trois secteurs, qui mérite d’être relevée.

Ce qui apparaît principalement déterminant, ce sont les performances antérieures du candidat. Par son expérience professionnelle et ses références, il peut faire état de ses compétences professionnelles et transdisciplinaires. Puis, interviennent les aspects de personnalité, qui renseignent sur la confiance qu’on peut placer en la personne, par exemple «changements fréquents d’emploi». Il est à cet égard intéressant de remarquer, qu’en dépit de toutes les mutations d’ordre technique ou organisationnel, le fait de changer fréquemment d’emploi n’est pas du tout apprécié de façon positive comme l’expression d’une certaine capacité de flexibilité, mais comme un manque de persévérance et de stabilité.

L’âge apparaît le plus fréquemment cité comme le facteur qui ne peut pas être influencé par les candidats dans le cadre d’un processus d’embauche. Ce serait un obstacle dans 6 à 8% des cas qui concernent des personnes de plus de 45 ans. Cette situation confirme les tendances en cours sur le marché du travail, selon lesquelles les plus jeunes demandeurs/deuses d’emploi ont en général de plus grandes chances d’être embauché/e/s.

Et le fait d’être ou d’avoir été au chômage, aurait-il quelque influence? Celui d’avoir été chômeur précédemment ne semble pas revêtir d’importance. Par contre, le fait d’être actuellement au chômage semble peser davantage dans la balance. Malgré cela, les résultats montrent que le chômage n’est pas appréhendé comme une «tare irrémédiable», due à une faute personnelle. Les fortes poussées de chômage des années ‘90 ont sans doute contribué à en faire modifier la perception.

Figure 2.5: Obstacles principaux à l’embauche en pour-cent

2.5 Synthèse

Nos analyses ont montré que, sur le plan de l’emploi, les compétences transdisciplinaires sont actuellement très valorisées dans le profil d’exigences des entreprises suisses. Dans un futur proche, les choses ne devraient pas tellement changer, puisqu’on ne peut pas constater de renversement de vapeur déterminant sur le plan des facteurs techniques, organisationnels ou économiques. Cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir au fait que les travailleurs doivent pouvoir recourir à une large palette de compétences, qui ne font souvent pas partie intégrante de leur formation professionnelle. Là où on peut remarquer certaines discrépances entre les compétences existantes et les exigences, il est nécessaire que les entreprises interviennent pour encourager activement la formation (continue), ce parallèlement à la motivation personnelle de l’individu.

Description du projet

Le projet de recherche "Les qualifications professionnelles de l’avenir" est une étude prospective financée par le Fonds national suisse et effectuée conjointement par l’Institut de sociologie de l’Université de Zurich et le Centre de recherches conjoncturelles de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Elle a porté sur les secteurs industriels, des arts et métiers et des services suisses, avec pour objectif la création d’une première base de données sur les besoins en qualifications dans l’économie suisse. En cela, elle n’a pas pris en considération uniquement ce qu’on appelle les besoins explicites en personnel, mais aussi les mutations organisationnelles et technologiques dans les entreprises, qui ne sont pas sans avoir des répercussions indirectes sur les exigences et les qualifications professionnelles.

Du point de vue méthodologique, l’étude a été principalement axée sur le sondage standardisé de la structure des qualifications, des besoins en qualifications comme des mutations dans l’organisation des entreprises (panel d’entreprises). Le questionnaire a été adressé aux cadres supérieurs des entreprises (dans les PME: aux directeurs d’entreprises; dans les grandes entreprises: aux responsables du personnel). Le retard de la recherche suisse par rapport à l’étranger a rendu nécessaire d’effectuer une enquête thématique étendue. La mise au point d’un questionnaire portant tant sur toutes les branches que sur les différentes catégories de grandeur d’entreprises s’est avérée être une démarche très exigeante. Ce sont moins les spécificités des branches que les différentes tailles des entreprises qui ont posé problème lors de la standardisation des réponses. Nous remercions les personnes interrogées pour la peine qu’elles se sont donnée à remplir ce questionnaire conséquent et détaillé; elles ont ainsi contribué de manière essentielle au succès de ce projet de recherche.

L’échantillon a été constitué à partir d’un panel d’environ 6’000 entreprises privées, impliquées tous les ans dans des enquêtes par questionnaire traitant chaque fois d’autres thématiques. Il s’agit d’un échantillon stratifié, dont les catégories ont été déterminées par la dimension de l’entreprise et sa branche d’appartenance, en englobant tous les domaines importants de l’industrie, des arts et métiers, ainsi que du secteur privé des services (commerces, banques, assurances, hôtellerie, services de prestations à des personnes, etc.). 2143 entreprises ont participé à l’enquête qui a eu lieu au début 1998. Nous avons donc pu constituer une base de données représentative au niveau de l’échantillon. L’analyse descriptive de certaines questions sera complétée, dans les mois qui suivent, par une analyse approfondie des liens de causalité entre les besoins en personnel et les mutations organisationnelles. Il serait prometteur de mettre en rapport, par des analyses secondaires, diverses données tirées des enquêtes de la KOF (Centre de recherches conjoncturelles de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich) concernant la capacité d’innovation, les mutations dans les emplois, les besoins en qualifications et la globalisation. Pour l’instant, le financement manque encore pour de telles analyses. Le monitoring du monde du travail suisse serait un objectif valable à long terme, de façon à disposer d’une information fondée comme base de décision politique et économique.

Nous restons à votre disposition pour toute information concernant d’autres projets ou des publications, au No de tél.: 01/634 21 46 ou hhansen@soziologie.uzh.ch

Recommandations bibliographiques

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Hansen, H./ Sigrist, B./ Goorhuis, H./ Landolt, H. (Hrsg.): Bildung und Arbeit - das Ende einer Differenz? Formation et Travail – La Fin d’une distinction? Sauerländer 1999.

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Lalive d‘Epinay, Ch.: Les Suisses et le travail : des certitudes du passé aux interrogations de l'avenir. Réalités sociales 1990.

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